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L’observation des usages, 1ère étape du Design Thinking

Un nouveau module de formation continue

Après l’ère du tout technologique, de plus en plus d’entreprises et de collectivités reviennent aujourd’hui au début de tout produit/services : leur utilisateur. Pour cela, il convient de bien l’observer pour analyser son comportement, ses prises de décisions et actions. Pour accompagner ce changement, L’École de design met en place un nouveau module de formation continue “Observer mieux ses usagers”.
Description de cette formation avec son animateur, Yannick Primel, ethnologue et expert UX.

 

Pourquoi ce retour à l’observation des usagers ?

Beaucoup de projets s’attachent à livrer un produit fini qui fonctionne parfaitement, en laissant les utilisateurs se dépêtrer avec les contraintes techniques ou les incohérences de procédure. On constate cependant aujourd’hui que la valeur ajoutée n’est plus dans la technologie mais dans la prise en compte de l’usage, dans la manière dont on configure un produit pour faciliter son emploi. Que le produit fonctionne techniquement, c’est la moindre des choses. Mais correspond-il vraiment à l’usage précis que j’en fais, là où je l’utilise habituellement ? Pour répondre à cela, il faut revenir au fondamental : l’utilisateur. L’observer, analyser son pourquoi et son comment dans la vraie vie, c’est de là que vient l’expérience utilisateur (User eXperience). Quelque part, c’est une forme de respect qui s’était perdue envers le client ou le citoyen.

Une manière courante de concevoir un produit ou un service est de faire appel à des représentants ou des experts qui vont parler au nom des utilisateurs, c’est ainsi qu’on croit les connaître. Mais qui a réellement été voir l’utilisateur ? L’observation UX vise à combler ce fossé entre la croyance et la connaissance avérée.

Il faut accepter que ce qu’on va observer ne va pas forcément correspondre aux représentations qu’on avait jusque-là. Accepter de changer ce qu’on fait parfois depuis des années pour mieux coller à la réalité est un point fondamental de l’UX. Ainsi, c’est le besoin pratique qui dicte la configuration technique à adopter et non plus l’inverse.

Qui doit observer ses usagers ?

Celui qui va sur le terrain ! Entreprises privées ou collectivités, les décisionnaires (dirigeants, chefs produits, responsable innovation, directeur de services…) vont influencer la stratégie globale de la structure en acceptant que l’observation devienne un pré-requis indispensable. Avec l’UX on arrête de supposer, on va vérifier.

Cet élan vers le design de services et l’UX peut être illustré notamment par les banques. Certaines ont même racheté des agences de design pour évoluer. Elles ont accepté de revoir leurs produits dans la perspective de profits durables, si j’ose dire, en tout cas fondés sur une réalité pérenne (le groupe BPCE et ING Direct par exemple). Moins figées dans leur contrat que les assurances par exemple, elles ont commencé à se questionner sur la pertinence de leurs produits par rapport à un client-type imaginaire. Pour le service public, deux extrêmes me viennent à l’esprit : la transformation particulièrement efficace du Ministère des Finances et au contraire le drame du RSI, qui a connu une forme de suicide par l’absence totale de prise en compte des besoins utilisateurs.

L’observation directe est donc la 1ère étape de la démarche de Design Thinking. Elle constitue la phase de découverte, la pointe de son double diamant. L’observateur est celui qui va percer la réalité de ce qu’on cherche à comprendre. C’est le pied à l’étrier pour la structure prête à opérer son changement grâce au Design Thinking.

Stillness in Motion - Tomas Saraceno - SFMomaStillness in Motion - Tomas Saraceno - SFMoma

Comment se fait cette observation ? Quel est le terrain d’observation ?

Sur la journée de formation, on va consacrer 1 heure à observer un lieu proche. Le but : voir comment il est utilisé et par qui. Comment vit-on dans l’endroit ? Quelle est la symbolique projetée par ceux qui le fréquentent ?

Quels sont les points de friction ? La méthode de terrain est fiable car les critères sont rigoureux. Les ethnologues parcourent le monde depuis au moins 150 ans. La collecte en particulier doit être reproductible : quelqu’un d’autre sur le même terrain rapportera des faits comparables, c’est donc loin d’être “subjectif”.
De manière générale, les données collectées sont d’abord qualitatives et directes parce qu’on est là pour ça. Prise de notes, photos, vidéos, tous les supports sont bons à prendre. Si elles sont disponibles, viennent ensuite les données indirectes comme les métadonnées, statistiques de fréquentation, journal de bord des utilisateurs… Enfin vient la phase de “raffinage” où l’on met en forme cette matière brute.

Des projets différents peuvent puiser dans une même observation UX parce qu’on s’attache à décrire un contexte d’utilisation et ses permanences, ses rituels sociaux qui dictent quel objet on utilise ou à quel service on va faire appel et pourquoi ceux-là et pas d’autres. Des adolescents observés dans leur lycée sont une source d’inspiration infinie pour les fabricants de vêtements, de chaussures comme de téléphones mobiles… et bien sûr aussi pour l’Education nationale.
On obtient toujours énormément d’informations. De manière générale, on trouve même toujours plus que ce qu’on est venu chercher. C’est l’expérience de la sérendipité, le “don de faire des trouvailles”.

On peut préparer ensuite les phases suivantes du Design Thinking, en constituant un parcours utilisateur et des personas solides (une personne fictive qui va représenter un groupe cible) qui sont incarnées à partir des vraies personnes dans leur vraie vie et non plus “à dire d’expert”. On constitue également une empathy map. Il s’agit de décrire les ressentis (froid, chaud, peur, nombre de décibels dans un lieu, importance du toucher, perception du temps perdu …). Ces données émotionnelles et physiques, permettent de faire comprendre à l’équipe projet le ressenti physique d’une personne et aussi de comprendre ce qu’on va faire ressentir à quelqu’un avec la nouveauté qu’on en train de fabriquer.

Une base pour un changement de stratégie de l’organisation ?

Une fois sensibilisées à l’observation des usages, les entreprises/collectivités peuvent mettre en place des procédures et parcours internes pour faire évoluer les compétences et gagner un avantage concurrentiel à l’échelle opérationnelle.

Cela va clairement de pair avec la méthode de Design Thinking. Rien ne devrait être conçu, testé ou livré sans avoir été confirmé sur le terrain, solliciter les utilisateurs dans le contexte réel d’usage.

Bien sûr ce n’est pas magique ni une garantie de succès… mais c’est en revanche la garantie qu’on va éviter de faire des erreurs grossières. D’abord on évite l’effet Beurk, ensuite éventuellement on suscite l’effet Wow !

Exemple de personasExemple de personas

Mais partir à la rencontre des usagers n’est qu’une première étape. Pour donner son plein potentiel, cette démarche peut être généralisée et intégrée à l’orientation stratégique de l’entreprise. On passera alors de l’UX à l’échelle d’un projet, à de l’UX “exploratoire” (l’UX Research) qui permet d’orienter les efforts d’innovation sur la base d’un constat empirique. C’est mieux que d’avancer en aveugle…

En tant que méthode, l’UX est d’ailleurs née d’un projet du fabricant de microprocesseurs Intel qui avait envoyé une ethnologue explorer ce que les gens faisaient dans leurs cuisines en Europe, Afrique du Nord et aux Etats-Unis. Un bref exemple encore sur l’UX Research : après le choc du Brexit, l’entreprise Ogilvy s’est rendue compte que sa compréhension de la vie quotidienne au Royaume-Uni était largement faussée par sa propre implantation londonienne. Ogilvy a donc développé un programme pour envoyer ses chefs de projets en observations régulières dans tout le pays, afin de ne plus laisser diverger leurs croyances et la réalité du terrain. Pour eux, cela revient à modifier radicalement leurs produits parce qu’ils acquièrent une vraie connaissance de leur public, qu’ils n’avaient pas auparavant.

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Ecrit le 24.01.18

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